Cloaca, Wim Delvoye, depuis 2000
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Doté de l'apparent sérieux d'un laboratoire scientifique (Wim Delvoye s'est entouré de plusieurs scientifiques et ingénieurs pour concevoir sa machine), exposé dans les conditions, elles aussi solennelles finalement, de l'Art, Cloaca ingère les aliments fournis par un traiteur (mais plusieurs grands chefs ont accepté de composer des menus à son intention) et produit des excréments. Les excréments sont emballés sous vide et marqués d'un logo qui pastiche ceux de Ford et de Coca-Cola et sont ensuite vendus aux environs de 1 000 dollars pièce.
L'absurdité et l'inutilité du produit est renforcée par le sérieux de sa réalisation, car cette machine fonctionne vraiment et sa qualité scientifique est loin d'être négligeable. Il existe un précédent à Cloaca : le canard digérateur automate de Jacques de Vaucanson, qui digérait la nourriture et la transformait en fiente. Le prestidigitateur Robert-Houdin aurait découvert, en restaurant l'automate, qu'il y avait « un truc » et que la transformation chimique opérée dans l'estomac du canard ne fonctionnait pas réellement, contrairement à Cloaca. Alors que l'automate de Vaucanson était conçu pour avoir une utilité : démontrer qu'il est possible à un canard de digérer des céréales, Cloaca, selon son créateur même, a été conçue pour être inutile, nuisible au besoin, coûter très cher et rapporter beaucoup : « J'ai d'abord eu l'idée de faire une machine nulle, seule, avant de concevoir une machine à faire du caca » et « j'ai cherché un truc compliqué, difficile à faire, et cher, et qui ne mène à rien » avant de conclure « En revanche, la cocaïne, ça vaut beaucoup. Et moi, je veux que l'art soit comme la cocaïne. S'il vaut beaucoup dans les musées, il doit aussi valoir beaucoup dans la rue » |