I like America and America likes me, Joseph Beuys, 1974
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Cette performance intitulée « I like America and America likes me » se déroula à l’occasion de l’inauguration de la galerie René Block, à New York, durant sept jours. Elle revêt un caractère particulier dans l’histoire de la performance, par son aspect spectaculaire. En effet, la performance débute lorsque Beuys se fait transporter en ambulance de son domicile de Düsseldorf à l’aéroport pour se rendre à New York. Il est enveloppé de feutre isolant, l’une de ses matières fétiches, afin de se préserver de tout contact avec l’Amérique. A l’aéroport John-Fitzgerald Kennedy, il est à nouveau transporté en ambulance directement à la galerie, escorté de policiers américains. Il reste ensuite enfermé durant une semaine derrière un grillage avec « Little John », un coyote sauvage capturé dans le désert. Il demeure ainsi face à l’animal durant toute la performance, seul muni d’une lampe de poche, d’une canne et d’une pile du Wall Street Journal. Les visiteurs de la galerie peuvent ainsi les observer à travers le grillage.
La performance se déroule pour Beuys suivant une sorte de comportement rituel préétabli, mais laissant bien évidemment la part belle à l’animal sauvage. Cette « action » est en effet chargée de nombreux symboles chers à l’artiste tels que les rapports de l’homme à la nature, la société américaine, le langage comme instrument de liberté, ou encore la dimension de spiritualité perdue de l’homme d’Occident qu’il faut retrouver. Le choix du coyote comme animal de compagnie n’est pas le fruit du hasard. Le coyote étant un animal vénéré par les indiens d’Amérique et méprisé par les Blancs, Beuys tente d’en inverser le processus. Le jeune coyote devient en quelque sorte la source d’une puissante énergie, symbole de toute une espèce, avec laquelle l’artiste peut « dialoguer ». Il déclara à ce sujet que « la persécution du coyote illustre la propension de l’homme à se décharger de son propre complexe d’infériorité sur un objet de haine ou une minorité ». L’artiste se charge ainsi d’assurer une réconciliation. La performance s’achève de la même manière qu’elle a débuté puisque Beuys reprend directement un avion pour l’Allemagne dès sa sortie de la galerie, sans avoir jamais mis les pieds sur le sol américain. Le livre présente donc d’étonnantes photographies en noir et blanc qui restituent parfaitement l’aura de l’artiste allemand, par la beauté des attitudes ainsi que la complicité qu’entretient Beuys avec le coyote. Une longue silhouette érigée, hiératique tel un chamane. Les photographies n’ont pas seulement un caractère artistique mais revêtent également un aspect quasi-documentaire puisqu’elles permettent de suivre la performance dans le temps. Elles donnent une idée des jours qui se succèdent lentement dans la chaleur humide où les deux protagonistes deviennent de plus en plus proches dans l’espace qu’ils partagent. Les photographies complètent en cela le célèbre film d’une trentaine de minutes qui a été tourné au moment de la performance. Elles sont également assorties d’un texte éclairant de Caroline Tisdall, critique d’art qui a collaboré avec Joseph Beuys et qui connaît d’une part parfaitement le travail de l’artiste mais également la genèse et le processus de cette fameuse performance. |